Correspondance, Brice MICLET.
Sortie il y a tout juste quarante ans sur l’album du même nom, cette chanson est la plus fameuse de la discographie du Boss. Ses origines, sinueuses, permettent de mieux en comprendre les double sens.
Elle est l’une des chansons américaines les plus connues au monde, tout simplement. Son riff de batterie, cette mélodie grandiloquente de synthétiseur, et cette voix puissante, habitée… Toute l’envergure de Bruce Springsteen réside dans les premières minutes de Born In The U.S.A., chanson publiée sur l’album du même nom le 4juin 1984, soit il y a tout juste quarante ans. Le plus gros succès de celui que l’on surnomme The Boss, et qui trouve ses origines non pas dans un patriotisme béat et simpliste, mais dans un accident de la route survenu dix-huit années plus tôt.
Lire aussi: Renaud, Dave, Frédéric François… Pourquoi ces chanteurs refusent-ils de prendre leur retraite?
Le livre qui change tout
En 1966, Bruce Springsteen a 17ans. Il est encore au lycée, habitant dans le New Jersey, et aime par-dessus toutes choses: le rock, qu’il a découvert grâce aux Beatles, à Elvis Presley et à Bob Dylan quelques années auparavant, et la moto. Un soir, il se rate à bord de son bolide et se cogne la tête sur le bitume, choc qui occasionne une sérieuse commotion cérébrale. Deux ans plus tard, alors qu’il est appelé par l’armée américaine pour participer à la guerre du Vietnam, qui est à son paroxysme de violence et s’enlise après l’offensive du Têt, il est réformé à cause de son indiscipline, mais surtout des séquelles de son accident, et échappe à toute contrainte militaire, pouvant donc se consacrer pleinement à la musique. Le succès n’arrivera que cinq ans plus tard avec ses deux premiers albums parus en 1973, puis avec Born To Run, en 1975.
Lire aussi: Voici six choses que vous ignorez (peut-être) sur Elvis Presley, de retour au cinéma avec Priscilla
Alors que sa stature explose et qu’il devient l’un des fers de lance du rock américain et de la défense culturelle des cols bleus, Bruce Springsteen tombe sur un livre intitulé Born On The Fourth Of July («Né un 4juillet», en français, en référence à la date qui commémore l’Indépendance états-unienne). L’auteur est un certain Ron Kovic, vétéran de la guerre du Vietnam, revenu des combats paraplégique, devenu un ardent militant de la paix et, une fois le conflit terminé, de la reconnaissance des droits des anciens combattants. Son livre, paru en 1976, est un succès colossal aux États-Unis, et Bruce Springsteen le lit en 1978. Ce témoignage résonne en lui. Dans ses mémoires, le chanteur écrira: «Parfois, je me demandais qui était parti au Vietnam à ma place.» Il y a chez lui une forme de culpabilité, un non-dit qu’il a besoin d’exprimer, un besoin d’agir.
«Comme des bombes»
Bruce Springsteen et Ron Kovic se rencontrent quelques semaines plus tard à Los Angeles, et deviennent proches. L’écrivain le présente ensuite à Bobby Muller, cofondateur de l’association Vietnam Veterans of America. En 1981, le chanteur se produit à un concert dont les bénéfices sont entièrement reversés à l’organisation, et offre à cette cause un retentissem*nt inédit. Alors qu’il est en train d’enregistrer son album suivant, Nebraska, il écrit une chanson intitulée Vietnam, qui ne verra jamais le jour puisqu’elle aurait sérieusem*nt détonné avec le reste des morceaux. Mais l’idée de conter en musique le destin de ces oubliés de la guerre se fait de plus en plus précise.
Lire aussi: Bruce Springsteen, Taylor Swift… Pourquoi ces stars vendent-elles leurs catalogues musicaux?
Cette chanson évolue, passe par plusieurs versions, pour finalement approcher progressivement de sa forme définitive. En 1982, alors qu’il est en studio avec son groupe, le E Street Band, il empoigne sa guitare acoustique et entonne sa création devant ses musiciens. Ces derniers, notamment le claviériste et le batteur, apportent leurs touches personnelles, simples, et sur les coups de 3h du matin, Born In The U.S.A. est dans la boîte. Bruce Springsteen se précipite chez son producteur pour la lui faire écouter, ce qu’ils font une vingtaine de fois d’affilée, et lui explique: «La batterie est aussi importante que la voix. Parce qu’elle sonne comme un chaos, et des bombes, elle illustre parfaitement ce que je voulais retranscrire.» Elle sera le troisième single de l’album àvenir, les deux premiers étant Dancing In The Dark et Cover Me. Mais celle qui reste dans toutes les mémoires, c’est bien Born In The U.S.A.
