Macron : « Rebâtir notre aide à l’enfance » (2024)

D'abord, il a dit (c’est son mantra qu’il n’a jamais su développer ni argumenter), qu’il fallait « lutter contre les assignations à résidence, prévenir les inégalités, [car] c’est ça la promesse républicaine » (ça ne mange pas de pain). Puis, prononçant une phrase sibylline, il a lâché qu’il comptait « rebâtir notre aide sociale à l’enfance, c’est une vraie politique nationale qui est à construire pour prévenir les inégalités de départ ». C’est tout.

Macron : « Rebâtir notre aide à l’enfance » (1)

Tandis que nombreux acteurs éducatifs et sociaux s’inquiètent de la situation de l’ASE (difficulté de recrutement de travailleurs sociaux, de familles d’accueil, d’encadrement au sein des services des conseils départementaux, de moyens), tandis qu’un lobby anti-ASE (réclamant de façon simpliste une nationalisation de la protection de l'enfance, ignorant tout des carences mêmes de l'État) s’est développé en s’en prenant aux professionnel·les plutôt qu’aux politiques sociales mises en place et à l’organisation des services, le chef de l’État reste dans le flou (comme si un collaborateur avait rajouté juste une phrase pour étoffer un peu son discours introductif). Il reprend plus ou moins une idée puisée dans le rapport Woerth [voir ci-après]. Par ailleurs, une commission d'enquête sur l'ASE était en cours à l'Assemblée Nationale : la dissolution annule totalement le travail déjà effectué.

Plus tôt, alors qu’il causait immigration, il avait annoncé tout de go « une reprise en main par l’État d’un meilleur contrôle des mineurs non accompagnés » (MNA, mineurs étrangers isolés). Phrase qui ne veut pas dire grand-chose. Faut-il rappeler que le chef de l’État s’était engagé à aider les Départements à prendre en charge les MNA, puisque, s’ils relèvent de par la loi de l’ASE (tout mineur isolé, donc en danger, sur le territoire), cela concerne aussi la politique nationale en matière d’immigration. Or un directeur enfance d’un Département d’Aquitaine me confiait tout récemment que l’État versait 250.000 euros à son administration pour une dépense totale de 3 millions d’euros !

Comment Macron justifie-t-il cette « reprise en main » : les MNA seraient « dans tant de villes un problème de sécurité », assène-t-il. Des violences ont effectivement eu lieu à Bordeaux, provenant de jeunes installés dans des squats, dont CNews, le RN et Zemmour se sont repus, cherchant à généraliser des incidents très localisés, alors même que les MNA ont ceci de particulier : à la différence de beaucoup de mineurs en danger, eux demandent à être pris en charge. Les directeurs d’établissem*nts auraient même tendance à les préférer parce qu’ils seraient plus soucieux de s’en sortir. Évidemment rien n’a été dit sur le fait que 20 % seulement des jeunes étrangers sont reconnus mineurs (les autres étant renvoyés à la rue, y compris parmi eux de vrais mineurs sans que cela n’offusque grand monde).

Macron avait aussi promis d’aider les Départements pour les jeunes majeurs (plus de 18 ans) pour que leur prise en charge ne cesse pas une fois majeurs (comme la loi le prévoit depuis 1975). Or l’aide de l’État est restée peanuts.

Enfin, après les émeutes suite à la mort du jeune Nahel, le chef de l’État, en direct de Nouméa où il était en déplacement, avait dit lors d’une interview le 23 juillet 2023, que les émeutiers (en métropole) étaient des mineurs vivant dans un contexte familial dégradé « soit familles monoparentales soit parce qu’ils sont à l’aide sociale à l’enfance ». Cette accusation gratuite à l’encontre des jeunes relevant de l’ASE n’a quasiment jamais été reprise par les médias. J’expliquais dans un article que c’était sans doute une manœuvre politique pour renvoyer un peu la faute sur les Départements puisque l’ASE en relève. Minable.

. Macron, les émeutiers et le s mineurs de l'ASE

Protection de l’enfance & décentralisation (rapport Woerth)

Le rapport d’Eric Woerth (Renaissance, ex-LR) sur la décentralisation, qui lui a été demandé par le Président de la République, a été présenté le 30 mai. Il comporte 51 propositions dont l’élection de deux élus départementaux sur deux cantons (comme actuellement) mais l’un des deux irait également au Conseil Régional (ce qui reprend un projet de Sarkozy annulé par Hollande).

Sur le plan social, le rapport demande une plus grande concertation Département-État avec un service départemental des solidarités, établissem*nt public local co-gouverné par le Département et par l’État (compte tenu des financements et compétences entremêlées) [voir ci-après la proposition 3].

Pour ce qui concerne la protection de l’enfance, le rapport demande soit son rattachement à ce service co-piloté, soit carrément sa recentralisation (ce secteur relevant alors seulement de l’État), en invoquant le fait que la PJJ est centralisée, l’Education nationale aussi, ainsi que les ARS. L’argument phare est que cette politique (protection de l’enfance) relève plus du "principe d’égalité" que du "développement du territoire" : étrange argument, car la Potection maternelle et infantile (PMI) resterait au Département et si un tel principe était pertinent alors l’ensemble de l’action sociale devrait retourner à l’État. Bien sûr, on est en droit de s’interroger sur la crédibilité d’un Eric Woerth sur un tel sujet lui qui a trimbalé tant de casseroles. Mais là n’est pas le propos : mon but est de faire connaître le passage (dans ce rapport de 160 pages) consacré à la protection de l’enfance. Je dois préciser que la quasi-totalité des médias, qui commentent ce rapport, ne fournissent pas l’accès au rapport (même pas le site de l’Élysée). J’ai fini par le découvrir sur le site du Media Social (qui, entre parenthèse, m’assure l’accès à son site depuis des années en tant que chroniqueur social).

Macron : « Rebâtir notre aide à l’enfance » (4)

. Décentralisation: Le temps de la confiance [60 pages, sur le site du Média Social].

[5 juin]

Protection de l’enfance dans la rue

Les travailleurs sociaux du Nord étaient en grève le 23 mai et ont manifesté à plus de 300 dans les rue de Lille « pour dénoncer l’état catastrophique de toute la chaine de prévention et de protection de l’enfance dans le Nord et exiger des négociations avec l’exécutif ».

Cette action (voir vidéo du syndicat Sud TS du Département du Nord) regroupait non seulement des travailleurs sociaux dont celles et ceux de l’ASE, mais le comité de vigilance des enfants placés (venus spécialement de Paris), des jeunes, des juges, avocats, députés (LFI). Cette mobilisation est encourageante au moment où Éric Woerth dépose un rapport pour recentraliser l’ASE (proposition irréaliste qui, face aux défaillances constatées, fait mine de trouver une solution, comme si l’État avait été performant lorsqu’il était en charge de la protection de l’enfance, et comme si M. Woerth, qui trimbale quelques casseroles, avait la moindre crédibilité pour analyser le secteur qui mérite certainement d’autres experts pour dire comment la protection de l’enfance pourrait être mieux traitée sans subir les assauts du lobby anti-ASE).

[31 mai]

Gers: action sociale en grève

Des personnels de l’action sociale du Conseil Départemental du Gers étaient en grève hier : travailleurs sociaux de l’Aide Sociale à l’Enfance, du Service d’Action éducative (intervenant sur ordonnances du juge des enfants), du service social de secteur, des assistantes familiales). Tout est parti d’une note exigeant que les rapports éducatifs et sociaux destinés au juge des enfants devraient être lus par 5 échelons avant d’être transmis. Note contestée pour des raisons de secret professionnel et de perte de temps. Comme cela est fréquent en pareille situation, à partir de ce déclencheur bien d’autres problèmes surgissent que les professionnels en colère soulèvent. Tout le secteur est en crise, au niveau national : une partie des médias soucieux de faire le buzz et un lobby anti-ASE cherchent à simplifier et à caricaturer la réalité de terrain. Des professionnels souvent injustement mis en cause essayent d’agir au mieux, mais deux questions essentielles sont totalement négligées par les médias et les autorités : le management souvent défectueux (n’ayant de plus en plus aucune connaissance des réalités sociales et des règles d'intervention professionnelle en matière d’action éducative et sociale) et l’aggravation des situations sociales pour des raisons multiples mais qui nécessitent que l’organisation et les moyens suivent.

Macron : « Rebâtir notre aide à l’enfance » (7)

. voir article La Dépêche de Vincent Couet-Lannes : ici.

. voir mon post Facebook complet (avec l’article de LD) : ici.

[28 mai]

Délinquance juvénile

Macron : « Rebâtir notre aide à l’enfance » (10)

France Inter est en grève (refus d’une réforme qui serait une sorte de retour à l’ORTF avec réduction des moyens dans chaque chaîne). Alors j’écoute un peu Europe 1, la radio d’extrême-droite de Bolloré, le CNews de la radio. Jean-Claude Dassier, un ancien de TF1, vient causer des jeunes délinquants à Paris. Il avait un jour déclaré sur CNews : «les musulmans, ils s’en foutent de la République. Ils ne savent même pas ce que le mot veut dire ». La chaîne avait fini par devoir s’excuser, pour éviter une sanction de l’Arcom, Dassier lui-même s’était rétracté.

Aujourd’hui, évidemment, je me méfie en écoutant le bonhomme. Et voilà qu’il assène que le problème est que l’ordonnance de 1945 (sur la délinquance juvénile) est toujours en vigueur et qu’on ne parvient pas à la réformer. C’est pour ça que les jeunes délinquants ne sont pas réprimés. Que l’ordonnance de 1945 ait été abrogée et remplacée par un Code de la justice des mineurs en vigueur depuis le 30 septembre 2021, il n’en a rien à faire. Ni l’animatrice Céline Géraud ni les autres présents sur le plateau ne le corrigent. Cela en dit long sur le niveau de ces propagandistes qui ne prennent même pas la peine de se documenter.

[23 mai]

. Certaines de ces chroniques sont parues sur mon compte Facebook aux dates indiquées entre crochets

Billet n° 807

Le blogSocial en questionest consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique.Parcourset démarche:iciet."Chroniqueur militant". Et bilan aun° 700et aun° 600.Le plaisir d'écrire et de faire lien(n° 800).

Contact:yves.faucoup.mediapart@free.fr;Lien avec ma page Facebook; Tweeter:@YvesFaucoup

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